Maintenant que vous savez ce qu’est la dissociation traumatique, passons au niveau supérieur. Vous vous en doutez, le calvaire de la victime ne s’arrête pas là. Il ne s’agit pas d’un simple moment à passer et basta ! Car un enfant, par exemple, contraint d’être quotidiennement confronté aux personnes violentes avec lui et comme la plupart du temps ces violences sont exercées par des proches (comme dans le cadre d’inceste ou maltraitances intra-familiales), va se retrouver tous les jours dans cet état de dissociation traumatique qui devient chronique. Car tant qu’il se trouve dans le système agresseur, la sidération va perdurer, ainsi que le stress intense et donc la nécessité pour son organisme de demeurer dans son processus de sauvegarde neurobiologique. C’est ce que l’on appelle la dissociation chronique.

 

Plus problématique encore – s’il est possible d’imaginer qu’il y a « plus » – c’est que cet état durable va générer chez la victime une forme d’indifférence non seulement face aux violences qu’elle subit, mais également à celles déjà survenues dans le passé qui sont toujours bien présentes grâce à la mémoire traumatique qui s’emploie à les raviver à chaque instant. Cette dernière s’active aussitôt que l’acte est fini puisqu’elle se réactive en présence de stimuli rappelant à la victime ce qu’elle a déjà vécu (lien, situation, son, image, odeur, discours, confrontation à l’agresseur, etc.). C’est donc forcément le cas lorsque l’agresseur réitère ses actes de cruauté. Malgré tout, l’accumulation de toutes ces expériences accentuent chaque fois un peu plus l’état de déconnexion de la victime, cette mémoire traumatique n’est plus accompagnée ni de ressentis, ni d’émotions. Toutes ses perceptions sensorielles sont totalement déconnectées de leur charge émotionnelle. Les horreurs sont bien là, mais éloignées de la conscience de la victime, comme si elle vivait dans le brouillard ; c’est cet état qui génère une forme de tolérance et d’indifférence à ce qu’elle vit. Cet état est donc très dangereux, lui aussi car il banalise ce que la personne endure « ce n’est pas si grave puisque je le supporte ». Cependant, ce n’est pas pour autant que chaque nouvelle expérience est moins traumatisante et stressante.

 

L’entourage de ces enfants dissociés peut être amené à penser que ces derniers ont une déficience mentale, ce qui n’est évidemment pas le cas ! Ils sont tout simplement en incapacité d’user de leur intelligence parce que ça va exploser… sans compter qu’ils se retrouvent en permanence dans un état stuporeux, comme s’ils étaient tout le temps « à l’ouest » ou « absents », perdus, désorientés, incapables de se concentrer, aréactifs, vides. Ainsi, les enfants victimes de maltraitances physiques ou sexuelles de manière durable et continue, se retrouvent souvent dans un grave état de dissociation très profond et bien sûr chronique. L’évidence de leur souffrance exprimée par leur « manque expression » peut les amener à être considérés à tort comme étant déficients.

 

 

Quelles conséquences ?

La personne dissociée aura de moins en moins la capacité de s’opposer mentalement aux sévices verbaux et psychologiques qui lui sont infligés et donc à la mémoire traumatique qu’ils génèrent. Les propos violents, culpabilisants, haineux, blessants, destructeurs qu’elle reçoit la colonisent de manière durable jusqu’à s’inscrire profondément dans sa chair, son sang et son ADN. Ainsi, elle finit par croire que les injures, les reproches, les disqualifications, les humiliations, les propos culpabilisants, méprisants et l’excitation perverse du bourreau sont issus de ses propres schémas mentaux, comme si elle était son propre ennemi. C’est comme cela que naissent et s’inscrivent cette culpabilité, cette honte et cette haine de soi communes à toutes les personnes vivant ce type d’expériences. Par le processus répétitif imposé par le cadre et la mémoire traumatique, tout cela s’impose dans leur tête alors que cela ne vient pas d’elles, c’est l’expression de sa mémoire traumatique qui contient de façon indifférenciée ce qu’elles ont vécu lors des violences et ce qui est issu de la mise en scène de l’agresseur. Ce processus peut aller très loin dans la transformation psychique de la victime puisqu’elle peut aller jusqu’à croire qu’elle est un monstre de violence puisqu’elle est envahie par celle de son agresseur, elle va alors s’épuiser à combattre cette dimension ténébreuse dont elle est convaincue d’être dotée, cette violence animée d’intentions perverses qu’elle va identifier comme faisant partie de son processus de pensée, d’action et d’interaction. Il est très important de leur faire comprendre que ces intentions qu’elle se voue sont la propriété du bourreau qui a mis en scène ces atrocités pour semer le trouble dans l’esprit de sa proie et ainsi se déresponsabiliser, mais qu’elles sont restées piégées dans l’amygdale cérébrale par le processus de dissociation sans avoir été différenciées de sa personne, identifiées et donc intégrées en mémoire autobiographique qui lui permettrait de faire la différence entre ce qui provient d’elle et ce qui provient de l’agresseur.

 

Deux choses sont donc fondamentales :

              1) protéger l’enfant, l’éloigner du contexte dans lequel il subit toutes ces violences, car plus il y reste, plus la mémoire traumatique croît et plus il se dissocie.

              2) traiter cette foutue mémoire traumatique pour la transformer en mémoire autobiographique.

 

Associemment vôtre,

 

Marie Peyron
Fondatrice de Phoenix-Coaching