Ce processus fait suite à l’état de sidération psychique – évoqué dans cet article -, dans lequel nous avons vu que lors d’actes de violences extrêmes, la victime se trouve sur le point de mourir de stress, par la quantité d’hormones dangereusement haute sécrétée par la petite structure dédiée à la réponse sensorielle et émotionnelle : l’amygdale cérébrale.

Lorsqu’une personne atteint ce stade de stress inimaginable, l’organisme complètement désemparé sort son joker : il disjoncte. Exactement comme le ferait un circuit en survoltage. Par cette réaction brutale et extrême, il isole l’amygdale afin de stopper net la production d’hormones de stress (adrénaline et cortisol). Par cette manœuvre, la liaison entre l’amygdale cérébrale et le cortex est rompue, ce qui entraîne chez la victime une sensation de déconnexion, d’étrangeté ou d’irréalité par une anesthésie de ses perceptions sensorielles, émotionnelles mais également algiques (c’est-à-dire qu’elle peut ne même plus ressentir de douleurs), car ce nouveau comportement induit la production de drogues dures telles que la morphine et/ou la kétamine-like. Du fait de toute cette restructuration, la victime est complètement dépersonnalisée voire « décorporalisée ». C’est cela que l’on nomme dissociation traumatique.

 

C’est à partir de cela que, lorsqu’une victime fait le récit ce ce qu’elle a vécu, elle dit avoir eu l’impression de voir la scène depuis l’extérieur, comme si elle flottait au-dessus. Cette expérience du traumatisme peut créer une telle distance entre la victime et ce qu’elle vit que, lorsqu’elle raconte, elle donne l’impression de raconter l’histoire de quelqu’un d’autre ou bien une scène de film qu’elle aurait vu. L’état de dissociation peut même lui permettre de raconter ce qu’elle a vécu avec le sourire, comme si elle évoquait une expérience banale. C’est en grande partie à cause de l’ignorance des autorité (de la loi ou de la souffrance psychique) concernant cette réaction qu’elles en viennent à considérer que la victime est mythomane et ainsi la tourner en ridicule, la malmener et donc la traumatiser encore plus. Exactement comme cela se déroule dans cette scène du film Polisse de Maïwenn que voici:

https://www.youtube.com/watch?v=d7EQIq9MTmU

Cette scène qui a pourtant la capacité de nous faire rire est criante de vérité et illustre comment sont traitées de nombreuses victimes. La vérité c’est qu’à ce moment, ce que vit l’adolescente est innommable, sa souffrance incommensurable… Mais elle n’est pas exprimée comme les policiers s’attende à l’entendre, de ce fait, le mal-être de la victime n’est pas entendu. Son manque de réactivité et d’expression émotionnelle est la preuve même de l’horreur qu’elle a vécu. Pourtant, comme beaucoup, elle ne sera ni considérée, ni prise au sérieux.

 

 

Et c’est pas fini…

Si ce phénomène a pour objectif de mettre le corps à l’abri, il n’en reste pas moins éprouvant pour la personne qui le vit, et ses conséquences sont dévastatrices car tout ce qui va littéralement bouffer la victime dans le quotidien qui succède l’agression (culpabilité, rejet ou dégoût de soi par exemple) est en grande partie dû à la création de cet état. En effet, cette disjonction spontanée ne se contente pas d’anéantir le circuit émotionnel ; elle est également responsable de la rupture de la communication entre l’amygdale et la structure cérébrale qui joue le rôle de système d’exploitation des informations et de la mémoire spatio-temporelle : l’hippocampe. Sans lui, aucun souvenir ne peut être enregistré, rappelé et temporalisé. Cette fabuleuse structure qui, d’ordinaire, met de l’ordre dans nos souvenirs se retrouve donc dans l’incapacité d’intégrer et de stocker la mémoire émotionnelle et sensorielle qui reste piégée et figée au présent dans l’amygdale.

A ce stade, le calvaire de la victime est loin, très loin d’être terminé ! Si tout est enregistré tel quel, le souvenir de l’événement reste hors-temps, inconscient et identique point par point à la situation initiale et sera donc susceptible de remonter à la surface en colonisant le champ de conscience de la victime, en lui faisant revivre la scène morceau par morceau, par des visions, des hallucinations, des flashes, des réminiscences, des cauchemars ou des attaques de paniques… autant d’éléments qui constituent tous les composants d’une véritable machine à remonter le temps totalement incontrôlable, lui imposant de revivre la situations avec les mêmes sensations, les mêmes douleurs, la même terreur, les mêmes odeurs, les mêmes cris, les mêmes phrases mortelles assénées pas l’agresseur, encore et encore, la traumatisant chaque fois un peu plus. Ce phénomène est ce que l’on nomme mémoire traumatique. Associée à la dissociation elle fait vivre un véritable calvaire à la victime. Un calvaire qui peut durer des années si elle ne prend pas conscience et connaissance de ce qui lui arrive, pour enfin choisir de se libérer de tout ce qui la tue au quotidien.

 

 

Consciemment vôtre,

 

Marie Peyron
Fondatrice de Phoenix-Coaching