De nombreuses idées sur la nature de la « guérison » sont régulièrement débattues dans l’univers de la psychothérapie. Le terme « transformation » semble apprécié et offrir une perspective psychologique plus approfondie, mais peut aussi sonner comme insondable et mystérieux, un peu comme dans le poème que je vous présente ci-après. J’aime beaucoup la manière dont son auteur, Stephen Dunn met en lumière la résistance que nous pouvons avoir face à un processus de résilience et de travail sur soi et qui est régulièrement présent sur ce type de chemin tout autant que la satisfaction d’être enfin arrivé de l’autre côté, après cette transformation tant espérée, lorsque nous pouvons constater que nous sommes « guéris ».
Voici le poème en question. Il est l’œuvre d’un professeur et poète américain, issu d’un recueil intitulé Everything Else in the World . C’est pourquoi, pour les bilingues, je vous le propose d’abord dans sa langue d’origine afin qu’il conserve tout son sens. Pour celles et ceux qui ont un peu plus de difficultés, j’en fais une traduction par la suite. C’est parti !
Where He Found Himself
The new man unfolded a map and pointed
to a dark spot on it. « See, that’s how
far away I feel all the time, right here,
among all of you, » he said.
« Yes, » John the gentle mule replied,
« alienation is clearly your happiness. »
But the group leader interrupted,
« Now, now, let’s hear him out,
let’s try to be fair. » The new man felt
the familiar comfort of everyone against him.
He went on about the stupidities
of love, life itself as one long foreclosure,
until another man said, « I was a hog,
a terrible hog, and now I’m a llama. »
To which another added, « And me, I was a wolf.
Now children walk up to me, unafraid. »
The group leader asked the new man,
« What kind of animal have you been? »
« A rat that wants to remain a rat, » he said,
and the group began to soften
as they remembered their own early days,
the pain before the transformation.
***
Là où il s’est trouvé
Le nouvel homme déploya une carte et pointa du doigt
Une tâche sombre qui se trouvait dessus. « Vous voyez, c’est ainsi
Que je me sens loin tout le temps, juste ici,
Parmi vous, » dit-il.
« Oui » répondit John le mulet,
« L’aliénation est clairement ce qui te rend heureux. »
Mais le chef du groupe fut interrompu,
« Maintenant, maintenant, écoutons-le,
Tâchons d’être justes. » Le nouvel homme sentit à nouveau
Le confort familier de tout le monde contre lui.
Il poursuivit ses bêtises
Sur l’amour, sur la vie comme étant elle-même une longue forclusion,
Ce à quoi un autre homme dit « J’étais un porc,
Un immonde porc, et maintenant je suis un lama »
Ce à quoi un autre homme ajouta « et moi, j’étais un loup.
Désormais, les enfants m’approchent sans avoir peur. »
Le chef du groupe demanda au nouvel homme,
« Quel animal as-tu été ? »
« Un rat qui veut demeurer un rat, » dit-il,
Et le groupe commença à s’adoucir
En se remémorant leurs premiers jours,
La douleur avant la transformation.
Bien ! C’est quand même franchement plus classe en anglais !
Tout ça pour dire que la « guérison » ou « transformation », qu’importe le nom que vous lui donnez, peut être parfois très profonde, d’autres fois plus subtiles. Elle peut être simplement un petit changement de la manière dont on se perçoit ou dont on perçoit le monde. C’est tout ce dont on a besoin pour prendre conscience que notre manière de penser est lésée. Mais parfois, un gros changement est nécessaire, comme le porc qui se transforme en lama. Quand ce changement survient, il est indispensable de déposer à terre toutes les défenses que nous avons en notre possession (l’isolement, les excuses, les manipulations et les agressions passives, etc.) pour faire confiance au besoin d’amour et de challenge qui réside en chacun de nous et qui nous guide jusqu’à notre nouveau Soi.… et lâcher prise, pour que le voyage soit le plus agréable possible.
La douleur est une escale inévitable de ce grand voyage qu’est la vie, ce qui n’est pas le cas de la souffrance. Plus nous résistons à cette douleur, plus la souffrance s’installe et plus il est difficile de la quitter. Dans un processus de « guérison », il est important de prendre conscience que parfois, la seule chose à faire est de changer notre façon d’être, de penser, de vivre.
La récompense issue de ce travail est tellement supérieure à la douleur vécue que la combattre en vaut largement la peine. Cette confrontation avec la douleur nous rend plus humains, plus tolérants et compatissants non seulement avec nous-même, mais également avec le reste du monde.
Evolument vôtre,
Marie Peyron
Fondatrice de Phoenix-Coaching
Très bel article, plein de sens 🙂 et d’espoir d’avenir serein.
Merci beaucoup, Benoît!
Cette article est juste génial ! parler de changement subtile et profond est vraiment intéressant. Pour le changement j’avais tendance a me dire qu’il fallait que ce soit grand et visible aux yeux du monde mais en fait pas du tout. cela peut être subtile et en même temps pour soi visible et profond. Merci Marie pour ce belle article !!!
Merci pour ce beau commentaire, Ibtissame! Eh oui, toujours cette notion de l’iceberg: ce qui se voit à la surface n’est pas toujours représentatif de ce qui se passe en profondeur. Pourtant, c’est là que tout se joue 🙂