Quitter son agresseur n’est jamais facile. Sais-tu que 76% des meurtres perpétrés dans le cadre de violences conjugales se produisent après que la femme soit partie ? En effet, le départ de la victime signifie au bourreau qu’il a perdu le contrôle et c’est ce qu’il craint le plus ! Une telle constatation peut le rendre complètement fou de rage !

Il n’est pas fou de perdre l’amour, sa partenaire… pas même de perdre son bouc émissaire ou son punching-ball, non ! Il rage d’avoir perdu le contrôle. Sur elle, sur ses craintes d’abandon. Sur ses craintes aussi de ne finalement pas être le tout-puissant qu’il s’imaginait.

La peur de la femme, de ces représailles, est la raison principale qui fait qu’elle reste auprès de son agresseur. Qui plus est si la menace a été exprimée (par des gestes, un regard, etc.) et/ou verbalisée. Il suffit d’une fois où il l’a étranglée, étoufféenoyée ou que sais-je pour que le message soit gravé dans le psyché et donc dans le comportement de la victime. Cette dernière est maintenue dans un climat de terreur difficile non seulement à déceler, mais aussi à comprendre.

Une faible estime de soi peut également faire rester la femme dans cette relation malsaine. Peut-être par le biais de l’emprise exercée par le conjoint est réduite à néant. Peut-être, aussi, que cet état d’âme était déjà présent chez la victime avant sa rencontre avec le bourreau (parce qu’elle a été maltraitée enfant, qu’elle n’a jamais été valorisée ou qu’elle traversait tout simplement une période de doutes au moment de s’unir avec son conjoint). Souvent le besoin et le désir d’une certaine forme de romantisme, d’idylle pousse une personne à s’engager trop vite.
A l’inverse, ces femmes ont peut-être un rêve ambitieux, de perfection qui peut les maintenir naïvement fixées sur un idéal qu’incarne le bourreau au moment de la rencontre. Elles sont alors aveuglées et non réceptives aux premiers signes d’alerte précaires et subtils des nuages sombres voilant lentement son paradis.

Les hommes violents peuvent être très charismatiques. Ils semblent incroyablement sensibles à la vulnérabilité féminine et s’imaginent être le chevalier servant de ces demoiselles en détresse. C’est un rôle qu’ils jouent extrêmement facilement jusqu’à ce que les premiers signes de dépendance de sa princesse soit décelés. Pour eux, cette dépendance est la signature d’une faiblesse en manque de considération qui donne son feu vert à l’exercice de son pouvoir. Dans une relation, la vulnérabilité apparente d’un des partis est le signe d’un besoin de communication, d’écoute et de considération faisant évoluer ensemble les deux amants par un processus délicat, tolérant, ouvert.

Si une femme a une bonne estime d’elle-même avant d’entrer en relation avec un bourreau, ce dernier s’assurera que ça ne dure pas longtemps, ce n’est qu’une question de temps avant qu’il la réduise à néant.
Bien que la maltraitance fasse généralement référence à des abus physiques, de nombreuses femmes battues disent que le harcèlement psychologique et émotionnel qui leur est infligé est ce qui a l’effet le plus durable mais aussi le plus dommageable. Il semblerait que les bourreaux le sachent et qu’ils en usent à tout va. Quel pied de pouvoir nuire, blesser, torturer, détruire sans laisser de traces… Une relation maltraitante, repose d’abord sur la mise en place d’un contexte d’abus émotionnels, de harcèlement moral et de cruauté mentale. Les coups viennent en bonus ou en renfort lorsque la prison psychique semble ne pas suffire. Une femme brisée de l’intérieure est moins susceptible de trahir et/ou de quitter son agresseur.

Par la peur et la faible estime qu’elle possède, les rêves qu’une femme entretient vis-à-vis de son couple, de son partenaire, lui permettront de rester. D’après une étude menée par John Gottman et Neil Jacobson (deux professeurs en psychologie de l’université de Washington), les femmes sont capables de quitter leur conjoint violent qu’à partir du moment où elles ont abandonné ces rêves d’avenir. Voici ce qu’ils ont écrit :

« Comment les femmes sortent-elles de ces mariages abusifs ? Ce que nous avons découvert lorsque nous avons interviewé ces femmes, était que cette décision de départ est, dans tous les cas, une lutte héroïque. Ces femmes émergeaient de l’enfer, et ce voyage en terres hostiles les avaient obligées à surmonter des obstacles majeurs et à opérer des transformations psychologiques importantes. La première étape de cette transformation consistait à renoncer aux rêves qui les rendaient fidèles à leurs maris malgré les abus »

Quels sont ces rêves ?

Rêve de ce chevalier en armure qui les a quelque fois sauvées. Rêve que ce bourreau est un génie incompris qui, grâce à leur soutien et leur amour, atteindra son plein potentiel et cessera donc de les frapper. Rêve que si elles étaient suffisamment bonnes, il cesserait tout simplement de les battre. Car combien de fois entendent-elles que tout est de leur faute ?
A nouveau Jacobson et Gottman ont observé que

« Ces femmes ont d’abord vu leurs maris comme des petits garçons abîmés qu’elles soutiennent, dont elles prennent soin, qu’elles apaisent jusqu’à ce qu’ils deviennent les adultes, maris et pères qu’elles voient en eux et qu’elles se convainquent qu’ils peuvent devenir. C’est ça leur rêve. Leurs maris sont perçus comme des hommes qui, avec un peu d’amour et de gentillesse, s’épanouiront pour devenir des leaders familiaux forts et solides. Jusqu’à ce que ces femmes abandonnent ce rêve, elles ne pouvaient se résigner à partir. »

Ce rêve de voir un jour leurs maris devenir de meilleurs partenaires alimente et consolide le lien traumatique tissé entre elles et leurs conjoints. Il est le ciment inconscient qui scelle la relation, comme une poignée main donnée dans l’ombre qui conclut un contrat sombre, comme une promesse non verbale. Elles souffrent en vain, dans l’espoir qu’ils redeviendront le doux cavalier qui les avait séduites autrefois et donc le roi de ses fantasmes de grandeur. Eux, ont besoin de la souffrance de leurs femmes pour nourrir leurs fantasmes d’omnipotence et combler le vide profond qui les constitue. Alors qu’elles cherchent la transformation, eux sont en quête de pouvoir, de puissance et d’invincibilité. Ils rêvent tous les deux d’un avenir qui n’arrivera jamais.

Sans sa partenaire qui sert à alimenter ce rêve insensé, le bourreau devient vulnérable et croule face à ses sentiments d’insuffisance ou à ses craintes d’abandon qui le conduisent à ce besoin insatiable de contrôle.

D’une certaine façon, la dépendance de l’agresseur pour sa victime est la même que celle développée par un otage pour son geôlier. En 1993, Brian Keenan (un écrivain irlandais qui a été pris en otage à Beyrouth) a rédigé un écrit sur l’immaturité psychologique et la dépendance de ses ravisseurs qui l’on gardé captif pendant près de 5 ans. Cependant, contrairement aux femmes battues, les perceptions de Keenan n’étaient pas nuancées par les espoirs d’avoir un jour une bonne relation avec son partenaire. Au lieu de cela, il pouvait facilement identifier la peur que ses ravisseurs avaient d’être seuls, de leur besoin constant de distraction et de la façon dont ils dépendaient des otages pour fuir un sentiment de vacuité interne. Il écrit :

« La cruauté et la peur sont créées par l’homme, et ces hommes qui les façonnent y sont soumis. De tels hommes sont à moitié construits. Ils vivent leurs vies hasardeuses en tentant de détruire tout ce qui les met face au vide qui se trouve en eux-mêmes. Un enfant qui a peur cache son visage sous la couverture. Un homme en proie à ses peurs transfère son insuffisance sur les autres. Ils les blâment, les haïssent, en espérant se débarrasser de leur soi indigné en leur faisant mal ou pire, en les détruisant.»

Pour se libérer de l’emprise destructrice qui la maintient sous le joug de son conjoint violent, une femme battue doit absolument éteindre ce rêve qui la rend aveugle au script totalement opposé qu’elle joue avec lui, celui où elle rêve d’amour et lui de pouvoir. Pour partir, elle doit révoquer cette poignée demain secrète qui a scellé son esprit dans ce rôle ingrat et destructeur de combler le vide intérieur de leur bourreau de mari et de le faire devenir l’homme de tous pouvoirs qu’il aspire à devenir.

Pour agir, elle a besoin de pouvoir être en sécurité et demander de l’aide.

Es-tu prêt à la lui accorder ?

 

Intelligemment vôtre,

Marie Peyron
Fondatrice de Phoenix-Coaching